Vincent VAN GOGH est sans doute l’une des plus célèbres figures du Japonisme.
Nous lui avons consacré un article, dans notre grand dossier sur le japonisme, intitulé Vincent VAN GOGH et le Japon
France Culture lui consacre également une émission et un article dont voici la teneur et propose un document sonore dont vous pourrez retrouver le podcast sur son site.
Sans le Japon, Van Gogh aurait-il été Van Gogh?
Une grande exposition au musée Van Gogh met à jour l’influence décisive, structurelle, de l’art japonais sur sa peinture.
Si les ukiyo-e, les estampes de la collection personnelle de Van Gogh avaient déjà été exposées en 1971, si des liens avaient déjà été tissés entre ses toiles et ce qu’il appelait, selon le vocable français de l’époque, des « japonaiseries », jamais on avait à ce point mis à jour l’influence profonde de l’art japonais sur son œuvre. C’est cette découverte qui est présentée, après le Japon, au musée Van Gogh d’Amsterdam à partir demain. Le japonisme de Van Gogh change à tout jamais son œil.
Bien sûr, dans la seconde moitié du XIXème siècle, Paris découvre l’art japonais, et des peintres comme Manet, Monet, et Degas vont trouver dans la gravure japonaise une nouvelle source d’inspiration. Le terme « japonisme » fait même apparition dans la critique d’art en 1872. Alors pourquoi faire du Japon une matrice particulière chez Van Gogh ?
En regardant sa collection personnelle d’estampes qu’il punaise près de son chevalet, en cherchant dans les œuvres qu’il a pu croisées, en remontant le fil des lettres à son frère Théo, des indices décisifs apparaissent : restait à les faire dialoguer avec ses œuvres.
Avant d’arriver au tableau de Madame Ginoux, « L’Arlésienne », se détachant sur fond jaune dans une perspective écrasée, reprise au lointain des estampes de ces comédiens japonais qu’on représentait presque détourés sur un aplat de couleur vive, il y a toute une progression. L’art japonais va pénétrer la peinture de Van Gogh par strates, jusqu’à innerver la géologie de son style. Mais comment ?
Ça commence en 1886/87 lorsque Van Gogh achète 600 estampes japonaises d’un coup au marchand d’art Siegfried Bing à Paris, il organise une vente peu fructueuse, mais possède désormais un trésor inspirationnel. D’abord, ce seront les trois copies émancipées des estampes que réalise Van Gogh, où apparaissent les couleurs fraîches. Puis, c’est la technique des gravures japonaises, ces aplats de couleur et ces lignes claires, qui entrent dans la composition des tableaux. Vincent Van Gogh l’écrit à son frère Théo, il veut faire « des tableaux comme des crépons ». Alors les couleurs se massent à l’avant plan et la perspective disparaît.
Il part ensuite à Arles et envisage ce midi comme son Japon. Il écrit encore à Théo : « sous la lumière du sud tout est devenu japonais ». Les couleurs sont de plus en plus brillantes. Les iris chers à la tradition japonaise s’invitent en sujet de ses peintures. Les compositions reprennent les lignes diagonales des paysages des estampes. « Le semeur » de Van Gogh est en cela une synthèse : lignes diagonales, soleil en boule (jaune chez van Gogh, rouge au japon) et arbre en travers débordant le cadre. Quant à l’ « Amandier en fleurs » qu’il fait pour la naissance de son neveu, ils s’offrent dans un ciel vu du bas, en contre plongée, comme sur un des dessins d’Hokusai. Le seul artiste japonais qu’il cite dans ses lettres, et célèbre auteur de « La vague » (« La Grande Vague de Kanawaga »).
Van Gogh a désormais ce qu’il appelle son « œil japonais » : les couleurs, la composition, la circulation du regard, mais aussi le trait émotionnel des encres d’Hokuzai. En récepteur actif et génial, il a tout re-transformé. Il voudra aller plus loin encore, et vivre à la manière des artistes japonais qui s’échangent leurs œuvres. L’autoportrait de lui en moine bouddhiste, crâne rasé, yeux tirés, qu’il envoie à Gauguin en témoigne. Las, la communauté artistique ne prendra pas, il s’en tranchera l’oreille de rage. Mais la révélation japonaise, elle, aura bouleversé son art.
France Culture, Le Billet Culturel de Mathilde Serrell
(C.Y.)
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