Le 11 février 1889 est une date très spéciale au Japon. L’événement principal qui fait entrer ce jour dans l’histoire de l’ère Meiji mais aussi dans la grande Histoire du Japon est la promulgation de la Constitution de l’Empire du Japon ou Dai Nippon Teikoku Kenpō (littéralement la «Constitution de l’Empire du Grand Japon») et plus connue sous le nom simplifié de «Constitution de Meiji». C’est selon certains, et en particulier Lionel BABICZ, la date qui marque véritablement l’entrée du Japon dans sa période moderne.

Mais il se trouve que d’autres événements très importants se sont également produits ce même jour. Suite à la promulgation de la nouvelle Constitution, fut également adoptée la «Loi de la Maison Impériale» ou Kōshitsu Tempan, dont l’objet principal est de régir la succession impériale ainsi qu’un certain nombre de questions relatives à l’administration de la Maison Impériale

Plus tragique fut, le matin même de ce jour qui devait être un moment de pure fête et de joie populaire, l’assassinat arinori_mori_2de MORI Arinori (photo de gauche), Ministre de l’Éducation et à ce titre, considéré comme le fondateur du système éducatif moderne du Japon, par NISHINO Buntarō, un ultra-nationaliste qui considérait MORI comme un traître «ayant cassé le modèle traditionnel du Japon adorant son Empereur» en raison d’une supposée mauvaise conduite lors de sa visite, deux ans plus tôt, au sanctuaire d’ Ise. NISHINO fut lui-même abattu pratiquement sur place, dans la cuisine de la résidence du Ministre dans laquelle il s’était réfugié après l’avoir poignardé alors que celui-ci sortait de chez lui, le matin, pour se rendre au Palais Impérial où se tenaient les grandes cérémonies du jour. MORI décéda officiellement le lendemain des suites de ses blessures. Cela est peut-être vrai, on peut cependant en douter car cet assassinat, connu dès le jour même d’un petit nombre des plus hautes autorités de l’État, fut caché au reste de la population afin de ne pas entacher ce jour si important pour le pays.

Enfin, ce fut ce même jour qu’un jeune journaliste du nom de KUGA Katsunan lança un journal tout simplement baptisé «Nihon». KUGA faisait partie, depuis ses jeunes années, de ceux qui étaient hostiles à «l’oligarchie de Meiji», nom parfois donné au premier gouvernement japonais formé après la chute du shōgun et qui était dominé avec une grande autorité par les politiciens issus des domaines de Satsuma et Chōshū. C’est ainsi que son nouveau journal attaquera souvent ceux qu’il nomme les conservateurs politiques ou les  bureaucrates du gouvernement. Il fut considéré comme un adepte d’une pensée nationaliste, qui s’avéra finalement assez modérée par comparaison à celle qui s’emparera du Japon quelques décennies plus tard.

Signalons enfin que le 11 février est, depuis 1966, le jour férié du Kenkoku Kinen no Hi ou «Jour de la Fondation du Japon». Ce jour célèbre la fondation de la nation japonaise par l’Empereur JINMU, le premier empereur légendaire descendant de la divinité solaire Amaterasu. Et ce n’est donc pas par hasard que la promulgation de la Constitution de Meiji fut décidée ce jour, suggérant ainsi que le Japon dorénavant moderne s’inscrivait aussi dans la continuité des plus anciennes traditions japonaises.

Tout ceci, avec de nombreux détails et de très intéressantes explications, notamment sur l’importance des symboles, vous est raconté par M. Lionel BABICZ, connu et reconnu comme l’un des experts de l’époque de Meiji, dans une conférence intitulée «Le 11 février 1889 et la naissance du Japon moderne».

 

 
 
(C.Y.)