«Ryōma et les femmes»
 
 
Il n’est guère d’hommes en ce monde qui ne soit entré dans l’histoire sans qu’il y ait eu une ou plusieurs femmes qui aient participé, directement ou indirectement, à sa vie et à ses exploits. SAKAMOTO Ryōma n’échappa pas à cette règle, et l’on considère que 5 femmes comptèrent particulièrement dans sa vie.
On dit qu’il fut bel homme, ce qui bien sûr contribue davantage encore à sa légende.
 
La première de ces femmes qui marquèrent Ryōma fut sa mère. De constitution faible, elle succomba de maladie alors qu’il n’était encore qu’un petit garçon. Mais là où son père, même s’il l’aimait tendrement, avait tendance à se lamenter d’un petit dernier plutôt craintif, pleurnichard et chétif, sa mère n’eut de cesse de le soutenir avec la conviction qu’il vivrait une existence d’exception. Prémonition…
 
La seconde femme qui eut une influence déterminante dans la vie de Ryōma fut sa sœur aînée Otome. Femme de caractère, pratiquante de naginata – chose rare à l’époque pour une femme – elle prit rapidement soin du petit Ryōma à la mort de leur mère, l’entourant aussi bien de sa sévérité et de sa rigueur que
d’un amour quasi maternel. Véritable garçon manqué, elle était surnommée la « sœur démon » de la famille SAKAMOTO. Elle fut son premier professeur dans l’art du sabre, renforçant ainsi son physique mais aussi son mental. Mais dans le même temps, ce fut une femme très en avance sur son temps qui considérait que chaque homme devait vivre en suivant ses convictions et son destin plutôt que de juste suivre les traditions et l’avenir peu reluisant que réservait une naissance dans une famille de kashi, des samouraïs de bas niveau. Toute la vie de Ryōma durant, elle n’eut de cesse de soutenir et même d’encourager son petit frère dans ses aventures, même celles qui, pour l’époque, semblaient des plus extravagantes – voire même totalement révolutionnaires. Ou même les plus risquées, comme pouvait l’être le dappan ou « évasion du domaine ». Elle fut sa sœur aînée, mais aussi sa meilleure amie et sa confidente. A ce titre et une fois le domicile familial quitté, Ryōma lui écrivit souvent et c’est grâce à cette correspondance qu’on a progressivement retrouvée que l’on connaît avec certitude certains aspects de sa vie, de ses projets et de son état d’esprit qui, sans cela, seraient restés dans l’ombre de l’oubli.
 
La troisième femme qui compta dans la vie de Ryōma fut son amie d’enfance, HIRAI Kao. Enfant, Ryōma faisait partie d’une petite bande de gamins dont il était le benjamin. Souvent taquiné par ses amis en raison de sa faiblesse de caractère, Kao fut la petite fille qui le réconfortait et qui le défendait. Mais au sortir de l’adolescence, les jeunes gens commencèrent à éprouver l’un pour l’autre des sentiments d’amour, sans toutefois jamais se l’avouer ouvertement. Quand Ryōma partit une première fois à Edo pour y apprendre le kenjutsu, l’art du sabre, ce fut un premier déchirement dans cet amour platonique. Mais la séparation physique et géographique n’entama pas leurs sentiments, et alors qu’il revint à Tosa en pensant pouvoir y demeurer, Ryōma demanda même la main de Kao. Laquelle s’empressa bien sûr d’accepter. Mais la vie fit que cette union ne put se concrétiser. Déjà, le Japon commençait à trembler, les étrangers menaçaient et le gouvernement du bakufu avait provoqué la colère de bien des provinces, dont celles de Chōshū et de Satsuma en particulier. L’heure était aux complots de toute sortes, aux stratégies secrètes. Et Kao, obligée d’obéir aux ordres de son grand frère, lui-même investi dans cette politique locale agitée de l’ouest du Japon, fut envoyée à Kyōto pour entrer au service d’une aristocrate de haut rang et, officieusement, pour servir d’agent de renseignement – ou d’espionne – au profit de l’organisation de son grand frère. Cette séparation forcée contribua sans doute de façon non négligeable à la décision que prit Ryōma de quitter son pays de Tosa. Sachant que le dappan, littéralement « l’évasion du domaine » était un acte passible de la peine de mort : quitter un domaine sans autorisation expresse de son seigneur était en effet considéré comme un acte de haute trahison envers celui-ci. Et si Ryōma eut de solides raisons politiques de quitter Tosa, ce mariage raté avec la jolie Kao fut sans doute un élément non négligeable en faveur de cette très grave décision. Kao est restée dans l’histoire, plusieurs documents évoquent son existence, il existe aussi une correspondance entre Ryōma et elle, on sait aussi où se trouvait sa maison. Elle considérée comme le premier grand amour de Ryōma.
 
La quatrième femme qui eût une influence déterminante dans la vie de Ryōma fut CHIBA Sanako, dit Sana ou O-Sana san. La fille cadette de son maître de kenjutsu à Edo, CHIBA Sadakichi. Grand Maître de l’école Hokushin Ittōryū fondée avec son frère. La légende veut que Sana était la plus douée et la plus forte de tous ses disciples et de tous ses élèves, et c’est elle qui aurait le plus entraîné Ryōma. Celui-ci fera deux séjours d’apprentissage au Chiba dōjō, passant ainsi plus de deux années étalées sur 5 ans aux côtés de Sana qui, malgré son très fort caractère, succombait peu à peu au charme du valeureux et talentueux samouraï. Il n’y a semble-t-il pas de trace écrite prouvant qu’ils aient été amants, mais la réputation de séducteur de Ryōma permet de supposer qu’ils le furent néanmoins. Sans doute…
 
Enfin, la cinquième femme parmi celles qui comptèrent le plus dans la courte vie de Ryōma est celle qui devint son épouse : NARASAKI Ryō. Ryō s’écrivant comme Ryōma, l’idéogramme qui désigne le dragon et qui normalement se lit Ryū. Une jeune femme de très basse condition et peu épargnée par les difficultés de la vie, ayant perdu rapidement son père et devant, quasiment seule, aider sa mère et participer à l’éducation de ses jeunes frères et sœurs. Rencontrée par hasard, Ryōma eut l’occasion de l’aider, lui trouvant une place de servante dans l’auberge Terada-ya à Kyōto après que celle où elle officiait auparavant ait brûlé. Et si Ryōma, en raison de ses activités, passa beaucoup de son temps à voyager entre Kyōto, Shimonoseki (la province de Chōshū) ou autre Nagasaki, les deux jeunes gens tombèrent progressivement amoureux l’un de l’autre. Il arriva même un incident resté célèbre où O-Ryō, prenant son bain, entendit arriver des ennemis de Ryōma venus pour l’assassiner et réussit à le prévenir et lui sauver la vie. Ils se marièrent, ils allèrent même en voyages de noces (notion inédite jusque-là au Japon) mais leur union fut finalement de courte durée, Ryōma, comme on le sait, succombant finalement à une énième tentative d’assassinat dans l’auberge Ōmiya
 
(à suivre dans le 6ème épisode).
 
 
(C.Y.)