Hugues KRAFFT (1853-1935) est un voyageur, photographe et collectionneur français. En 1882, il entreprend un voyage en Asie, et séjourne sept mois au Japon (photo de gauche, « Auberge à Nikkō » (KRAFFT est à droite)  et en habits japonais sur la photo de droite). Il y visite toute la côte Est du Honshū, suivant l’itinéraire touristique classique proposé aux voyageurs européens de l’époque. De son voyage, il ramène non seulement des œuvres d’art mais plusieurs photographies qui offrent un témoignage important de la vie japonaise durant l’ère Meiji. A son retour, il rédige l’ouvrage « Souvenirs de notre tour du monde », publié en 1885.
 
La même année, il fait aménager le jardin Midori no sato (« colline de la fraîche verdure ») et son pavillon, derrière sa maison familiale aux Loges-en-Josas (Yvelines). Pour ce chantier, il fait importer des matériaux authentiquement japonais. Il fait également appel au jardinier HATA Wasuke et à plusieurs charpentiers venus spécialement du Japon.
 
« Un des membres du Comité de l’Union des Arts décoratifs, M. Hugues Krafft, s’est donné le luxe et le plaisir de se faire faire une maison japonaise par des ouvriers japonais qu’il a ramené du Japon, un charpentier et un jardinier. Il a rapporté du pays non seulement le bois et les accessoires de la maison japonaise, mais même les ouvriers chargés de la monter. … Elle donne précisément cette idée complète de ce que le goût japonais peut chercher dans les satisfactions continuelles de la vie. … Son propriétaire a même choisi, comme un Japonais l’aurait fait, un coin écarté, solitaire ; il l’a entourée d’un jardin délicieux, rempli de plantes bizarres, toutes décoratives avec les formes spéciales qui font de chaque plante au Japon presque un objet d’art. Quand on se trouve au milieu de ce jardin ou dans cette maison, avec les baies ouvertes, par une belle journée de printemps ou d’automne, on éprouve absolument les sensations que le Japonais peut avoir devant la nature et l’on comprend immédiatement que celui-ci ait chez lui, dans son esprit, dans son âme, dans sa race, un raffinement incomparable de mœurs. ». (Louis Gonse, « L’art japonais et son influence sur le goût européen », in Revue des Arts décoratifs, 1898, vol. XVIII, p. 101-102.)
 
Horticulteur japonais d’origine tokyoïte, HATA Wasuke (1865-1928) arrive en France pour aménager le jardin japonais du Trocadéro lors de l’exposition universelle de 1889. Remarqué par le dandy et homme de lettres Robert de MONTESQUIOU, celui-ci le présente à ses amis désireux de créer des jardins japonais dans leurs propriétés, et il devient bientôt célèbre dans le tout Paris. HATA travaille ainsi pour la comtesse de GREFFULHE à Bois-Boudran (Seine-et-Marne) et pour Hugues KRAFFT aux Loges-en-Josas. A partir de 1900, il sera embauché par le baron Edmond de ROTHSCHILD pour aménager son jardin japonais du parc de Boulogne.
 
Midori no sato figure dans « Le Japon Pratique » de Félix REGAMEY (1844-1907) sous forme de vues illustrées et d’une visite fictive par deux dames, qui lui permet de rédiger une longue description du jardin et de son pavillon.
Précédé par un authentique torii, le jardin s’étendait sur environ 12 hectares, consistant en une longue promenade d’allées serpentines, bordées de pins, cryptomères, érables, ginkgo et fleurs précieuses. Le tout était agrémenté de diverses pièces d’eau (cascades, ruisseaux) bordées de rocailles et traversées de ponts japonais. Des lanternes de pierre japonaises étaient également réparties dans l’ensemble du jardin.
« (…) et arrivons à la maison, pénétrons dans l’enclos fermé par une palissade de cinquante centimètres de hauteur, se relevant près des portes, dont l’une – la principale – s’abrite sous un petit toit délicieux » écrit REGAMEY (illustration en couverture de cet article).
 
Le pavillon de Midori no sato (photo de droite) était une sorte d’hybride entre la maison de thé et la pièce de réception. Il s’inspirait de l’architecture japonaise de l’époque Meiji, déjà imprégnée des techniques et de l’esthétique occidentales. Certaines de ses composantes en bois auraient pu être importées du Japon, telles les très fines tuiles couvrant le toit, qui n’étaient alors pas produites en France. L’intérieur du pavillon évoquait le style des demeures japonaises traditionnelles, avec ses tatami au sol, ses panneaux coulissants recouverts de papier translucide (shōji) et son tokonoma, alcôve où sont exposées les œuvres d’art (photo de gauche, réception d’amis (de g. à dr.): Siegfried BING, Louis GONSE, Mme ROUJON, Emmanuel GONSE et Mme GONSE à Midori no sato).
 
En 1925, une partie de la collection japonaise de Hugues KRAFFT est placée aux enchères et dispersée. Son hôtel particulier est légué à la Société des amis du vieux Reims, qui le transforment en Musée le Vergeur. Le jardin est quant à lui divisé en sections après la Seconde Guerre Mondiale et revendu à des particuliers.
 
 
Bibliographie
Albert MAUMENE, « Le parc de Midori, à M. Hugues Krafft, par Les Loges-en-Josas », in La vie à la campagne, 1909, n°61.
Félix REGAMEY, « Le Japon pratique », Paris, J. Hetzel et Cie, 1891.
 
 
 
(A.S.)
 
 
Retour sur la page du sommaire du dossier Japonisme: < ici >