Alors que le premier Français à se rendre au Japon avec le titre d’Ambassadeur fut Jean-Baptiste Louis GROS, qui signa, au nom de l’Empire français, le « Traité de paix, d’amitié et de commerce entre France et le Japon » en 1858 et que, GROS inclus, ils sont 41 à s’être succédé jusqu’à nos jours en portant ce titre, les premiers représentants permanents officiels de l’État japonais en France sont apparus sous l’ère Meiji. Ils avaient pour titre celui d’ « Envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire » et le premier d’entre eux fut un diplomate du nom de SAMEJIMA Naonobu (photo de gauche). Si l’on ignore la date précise de la remise de sa lettre de créances (document émis par un État à un diplomate et dont la réception par un autre État, en donnant son accord, officialise le statut d’ambassadeur de ce diplomate), on sait qu’il arriva en France en 1872 pour un premier séjour en tant que ministre plénipotentiaire. Sa mission principale était d’assister la « Mission Iwakura » et de participer aux négociations que le Japon menait, notamment par l’intermédiaire des membres de cette mission, pour tenter de faire accepter une révision des traités signés en 1858 et qu’il jugeait – à raison – inégaux. Il repartira plus tard en Angleterre qu’il connaissait bien pour y avoir fait une partie de ses études, il retournera aussi au Japon. Puis il sera nommé une seconde fois à Paris où il arrive en 1878.
 
Si le résultat de la « mission Iwakura » fut globalement un échec, on sait que SAMEJIMA rendit de grands services au Japon et à la France, notamment en recrutant, en tant que « conseillers étrangers », Georges Hilaire BOUSQUET et Gustave Émile BOISSONADE, deux éminents juristes qui participèrent à la traduction en japonais du Code Napoléonien et la rédaction de codes civils. Avec un autre collaborateur anglais, il rédigea aussi un « Guide diplomatique » qui permit au Japon de bien mieux comprendre les principes de la diplomatie internationale et qui fut très utile à nombre de ses successeurs. A droite, une photo de ce Guide (qui n’a jamais été distribué au grand public) qui fut un temps la propriété d’un certain SHIODA qui l’offrit lui-même ensuite à la Bibliothèque de la Diète.
 
Mais ce second séjour de SAMEJIMA à Paris lui sera fatal. Atteint d’une maladie chronique aux poumons (on suppose qu’il s’agit de la tuberculose), il décède en 1880, il n’a alors que 35 ans et il est enterré en France. Et c’est ainsi que de nos jours encore, on peut visiter sa tombe, érigée dans un style japonais, dans le cimetière parisien du Montparnasse (photo de gauche). On peut y lire, en français, dans la partie inférieure de cette tombe : « Naonobou SAMESHIMA, envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de sa Majesté l’Empereur du Japon auprès de la République Française – Né à Kagoshima le 10 mars 1844, décédé à Paris le 4 décembre 1880 ». Il est intéressant de constater à propos de ces dates que la confusion était manifestement déjà de mise à cette époque en raison de l’utilisation de différents calendriers entre la France et le Japon. La tombe attribue sa naissance au 10 mars 1844, qui est en fait l’année 2 de l’ère Kōka, qui correspond au 16 avril 1845 de notre calendrier.
Mais quoi qu’il en soit, c’est bien à Paris que repose celui qu’on peut considérer comme le premier des diplomates japonais ayant eu quasiment rang d’ambassadeur en France…
 
Ils seront huit diplomates japonais, SAMEJIMA compris, à occuper cette fonction de Ministre plénipotentiaire. Et ce n’est qu’en 1906 que KURINO Shinichirō sera le tout premier à être nommé « Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire » du Japon à Paris. C’est en effet cette année-là que le gouvernement japonais décide l’achat d’un immeuble situé avenue Hoche et qu’il y installe son ambassade. KURINO (photo de droite) restera dans l’histoire comme le signataire coté japonais (il n’était pas, comme il est dit par erreur dans Wikipédia, ministre des Affaires Étrangères), en juin 1907, du Nichifutsu Kyōyaku ou « Traité franco-japonais » qui, définit les sphères d’influence de ces deux pays en Asie, environ deux ans après la victoire du Japon dans la guerre qui l’a opposé à la Russie en 1904-1905 et qui a quelque peu bouleversé l’équilibre des forces étrangères sur le continent asiatique. D’autre part, il signera aussi, en 1911, une convention franco-japonaise « d’établissement et de navigation » dont l’un des articles rétablit pour chacun des pays signataires le droit de fixer librement les taxes commerciales. Un article qui, implicitement, met fin à l’inégalité des traités signés en 1858, dont notamment celui avec la France, et dont l’un des articles interdisait justement au Japon de fixer lui-même ses propres taxes.
 
KURINO Shinichirō aura pour successeur un autre grand diplomate : ISHII Kikujirō. Premier poste d’attaché diplomatique en France en 1891, il sera nommé vice-ministre des Affaires Étrangères entre 1908 et et 1912, il sera ambassadeur du Japon en France de 1912 à 1915, puis Ministre (plein) des Affaires Étrangères de 1915 à 1916, et il reviendra à nouveau à Paris en tant qu’ambassadeur du Japon en France entre 1920 et 1928.
Il s’agit là d’une partie de sa grande carrière, mais comme on peut le constater, tout ceci concerne essentiellement l’ère Taishō qui a suivi celle de Meiji. Et comme il a officiellement remis ses lettres de créances au Président de la République le 12 juillet 1912, comme le rapporte le Journal Officiel de ce jour, et que c’est à peine 18 jours plus tard, le 30 juillet 1912, que s’est terminée l’ère Meiji, on peut dire, si l’on veut être précis, que certes, ils auront été deux ambassadeurs japonais en France sous cette ère. Mais, dans les faits, il n’y en aura eu pratiquement qu’un seul, S.E. l’Ambassadeur KURINO.
 
Aujourd’hui, le 31ème (sauf erreur de décompte de notre part) « Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire du Japon en France » est Monsieur KITERA Masato, que l’on voit en photo-titre de cet article au moment où il a reçu, le 6 juin 2016 dernier, les insignes de Chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur des mains de S.E. l’Ambassadeur de France au Japon, M. Thierry DANA, qui l’a ainsi félicité pour sa nouvelle nomination. Son tout premier message à l’attention des Français, visible sur le site de l’Ambassade du Japon en France, évoque déjà celles qui seront sans doute les 3 années les plus importantes pour lui et auxquelles son pays comme le nôtre se préparent déjà activement: « A l’occasion des 160 ans de l’établissement des relations diplomatiques entre le Japon et la France en 2018, tout le raffinement de la culture japonaise sera réuni pour une présentation de grande ampleur lors de l’évènement « Japonisme 2018 » organisé à Paris. Nos deux gouvernements se focalisent aussi sur les deux prochaines échéances sportives que sont la coupe du monde de rugby de 2019 et les jeux olympiques de Tokyo en 2020, compétitions organisées par le Japon et pour lesquelles ceux-ci projettent d’intensifier davantage encore les échanges en milieu sportif ».
 
 
(C.Y.)