Giuseppe De NITTIS (1846-1884, photo de droite) est un peintre italien ayant accompli l’essentiel de son œuvre à Paris. Il est associé au mouvement des MACCHAIOLI et de l’impressionnisme. Après un apprentissage auprès du peintre local Giovanni BATTISTA CALO à Barletta, il s’inscrit en 1860 à l’Académie des beaux-arts de Naples où, quatre ans plus, tard il fonde l’École de Resina, du genre réaliste. En 1867, il part pour Paris. Rapidement, il fait son entrée dans le milieu artistique et intellectuel, et fréquente les japonisants Edmond de GONCOURT, Philippe BURTY, Emile ZOLA, Louis GONSE, MANET ou encore DEGAS. Sur l’invitation de ce dernier, il participe à la première exposition impressionniste en 1874 dans l’atelier de NADAR. Parallèlement à sa carrière de peintre, Giuseppe de NITTIS collectionne de manière active, non seulement des œuvres de ses amis, mais aussi des objets d’art et estampes japonaises.
 
En septembre 1871, la famille de NITTIS fait l’acquisition d’un hôtel particulier au 64 avenue Ulrich (aujourd’hui avenue Foch) pour la somme de 60 000 francs. Giuseppe décore les pièces de kakemono et de fukusa, encadrés et accrochés aux murs comme de véritables tableaux aux côtés des œuvres de MONET, DEGAS, COROT ou encore MANET. Ces objets donnent alors lieu à des débats et discussions passionnés, comme le rapportent les contemporains du peintre.
 
En 1880, les De NITTIS déménagent au 3 rue Viète à Paris, dans un appartement plus fastueux encore que le précédent. Une fois encore, les témoignages de l’époque nous renseignent sur le décor déployé par Giuseppe à l’intérieur de l’hôtel et dans son atelier. Dans l’ensemble, la même logique d’alternance entre œuvres d’art françaises contemporaines (majoritairement celles de ses amis, les peintres d’avant-garde DEGAS, MONET, Berthe MORISOT, mais aussi les siennes) et objets d’Extrême-Orient est adoptée :
 
« Sur les murs des amples pièces du premier étage [sic], outre quelque grand pastel fait par De Nittis même, et un certain nombre de petites études napolitaines, parisiennes et londoniennes saisies par lui d’après nature, étaient accrochés quatre paysages parmi les plus délicats et les plus lumineux de Claude Monet, deux figures féminines élégante de Berthe Morisot, une détrempe d’Edgar Degas et une magnifique ébauche de Camille Corot. Ces œuvres alternaient avec des céramiques, des laques, des bronzes et des étoffes brodées de cet art exquis de l’Extrême-Orient que De Nittis sut, à peu près en même temps que Goncourt, apprécier à sa juste valeur, tandis qu’en Europe on n’osait pas encore le prendre esthétiquement au sérieux. » ( Vittorio Pica, Giuseppe De Nittis. L’uomo e l’artista, Milan, Alfieri et Lacroix, 1914, p. 172.)
 
Lorsqu’il rédige « L’œuvre » (parution en 1886), Emile ZOLA (photo de droite, par MANET) s’inspire de l’appartement de son ami Giuseppe de NITTIS pour imaginer le cadre de vie de son héros Fagerolles. Dans son roman, le protagoniste – peintre également – possède un hôtel particulier fastueux avenue de Villiers décoré de « curiosités de la Chine et du Japon ». L’inventaire après décès de Giuseppe De NITTIS démontre que l’intérieur de la rue Viète correspondait pratiquement trait pour trait à la description de ZOLA. La salle à manger était ornée de trois panneaux représentant un dragon chinois, et l’atelier doté d’un grand divan surmonté d’étoffes formant dais.
 
Parmi les objets extrême-orientaux mentionnés dans l’inventaire après décès de Giuseppe de NITTIS, on relève 47 vases dont 33 en bronze, 4 sculptures en bronze, 3 boîtes en laque, 3 paravents, 3 panneaux en bois sculpté (représentant des dragons chinois), 2 lampes en bois ajouré, 7 broderies chinoises sur soie et velours, 23 kakemono, plusieurs armes, un lot de parasols et plusieurs meubles.
Dans les carnets de compte des De NITTIS, quelques marchands spécialisés dans l’art extrême-oriental sont identifiés aux côtés des dates et sommes déboursées : SICHEL, FARMER & ROGERS (Londres, Regent Street), WINTERNITS, BING, de la NARDE, MITSUI. Parfois, les carnets précisent la nature des achats : papier peint pour la salle à manger (MITSUI, 252 francs), paravent représentant un dragon (400 francs), dix kakemono représentant des divinités (600 francs), album japonais (500 francs). D’autre achats sont renseignés par des sources indirectes. Edmond de GONCOURT, dans « La Maison d’un artiste », raconte comment De NITTIS avait acquis un kakemono du peintre WATANABE Seitei au cours de l’Exposition universelle de 1878.
 
Outre son intérêt décoratif, cette collection servait aussi de support d’étude et de motif d’inspiration pour le peintre, qui avait volontairement installé une partie des pièces dans son atelier. C’est ainsi que certains tableaux datant des années 1870 et 1880 laissent apparaître à l’arrière-plan des peintures ou paravents japonais lui ayant probablement appartenu : c’est le cas de « La dame au canapé rouge » (1883, photo ci-dessus à droite) ou de l’aquarelle « Le Paravent japonais » (vers 1878). De même, il arrive que ses personnages féminins revêtent des kimono, selon la mode de l’époque (« Kimono couleur orange », 1883-1884, photo de gauche). Giuseppe de NITTIS empruntait également aux estampes japonaises certains de leurs principes formels, tels les perspectives et cadrages audacieux qu’il aimait employer pour ses vues des berges de Seine (« Pont sur la Seine », 1876, photo de droite).
 
 
Bibliographie
Manuela MOSCATIELLO, Le japonisme de Giuseppe De Nittis, Bern, New York, Peter Lang, 2011.
Vittorio PICA, Giuseppe De Nittis. L’uomo e l’artista, Milan, Alfieri et Lacroix, 1914.
 
 
 
(A.S.)
 
 
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